02/04/2019 : Accord Colruyt – Inex : Attention aux effets d’annonce !

Situation : 

Ce lundi 1er avril, le groupe Colruyt et la société laitière flamande Inex ont lancé officiellement leur projet autour d’un prix du lait stable et transparent. Concrètement, 328 producteurs laitiers affiliés auprès d’Inex ont souscris à une « collaboration » leur assurant l’achat d’une partie de leur lait, pendant 5 ans et à un prix fixe (34,76 centimes le litre).

Suite au lancement de ce projet et après avoir pu rencontrer les représentants de Colruyt et Inex, la FUGEA réagit.

Résumé de la position de la FUGEA :

La FUGEA salue le développement d’une démarche qui va dans le bon sens (stabilité du prix du lait). Toutefois, le syndicat regrette fortement que les producteurs n’aient pas été inclus dans les négociations, condition nécessaire à toute collaboration constructive. Malgré un prix du lait garanti, les conditions proposées ne garantissent pas une juste valorisation de la production laitière wallonne, en particulier celle issue des systèmes d’élevage plus durables. La FUGEA restera donc vigilante quant la communication autour de ce projet. En effet, la démarche en l’état ne peut être qualifiée de collaboration constructive avec les éleveurs ou d’initiative leur assurant un revenu suffisant.

Position et arguments de la FUGEA :

La FUGEA salue le développement d’une démarche en faveur d’un prix du lait garanti. La volatilité des prix du marché du secteur laitier belge est une contrainte majeure pour les producteurs. L’absence de visibilité est une source de pression et freine les projections nécessaires à l’évolution des exploitations laitières.

Toutefois, la FUGEA pointe du doigt différents éléments remettant en question la construction de l’accord, son impact pour les éleveurs laitiers et la communication sur cette démarche : 

i. Une démarche construite sans les éleveurs laitiers

Le projet présenté a été construit sur base de discussions entre Colruyt et Inex. Nous regrettons vivement que les producteurs et leurs représentants n’aient pas été inclus dans les négociations.  La démarche aurait dû être co-construite avec les différents acteurs et aboutir à un accord tripartite (comme c’est le cas dans les négociations commerciales ayant lieu actuellement en France). Les producteurs n’ont donc pas eu leur mot à dire et ne peuvent qu’accepter ou refuser la proposition. Pour la FUGEA, le projet actuel ne peut être considéré comme une démarche de collaboration constructive.

ii. Un prix jugé trop faible

Le prix payé aux producteurs durant la durée du contrat est fixé à 34,76 centimes le litre de façon à « permettre aux éleveurs de bénéficier d’un revenu fixe et d’investir ». Or, La FUGEA rappelle que ce prix couvre à peine les coûts de production hors main d’œuvre, estimés à 32,8 cents le litre en 2018 selon le Baromètre laitier. La proposition s’avère donc insuffisante pour assurer un revenu décent à l’éleveur laitier. Pour couvrir les coûts de production tout en assurant un niveau de revenu suffisant, le prix du lait payé au producteur devrait s’élever au minimum à 40,6 cents. 

iii. Un manque de considération du travail fourni par l’agriculteur

Le prix d’achat aux éleveurs ne sera que partiellement indexé durant les cinq années de contrat. En effet, la formule proposée prévoit une indexation uniquement sur la partie alimentation du troupeau. Pour la FUGEA, il n’est pas correct que les autres charges de d’exploitation ainsi que la main d’œuvre ne soient pas inclues dans l’équation. L’indexation devrait porter sur l’entièreté du prix du lait livré. Pour rappel, dans les autres secteurs, patrons et syndicats discutent d’une augmentation des salaires de près de 1% en plus de l’index et des hausses barémiques…

La FUGEA insiste sur le fait que la rémunération de la main-d’œuvre agricole doit être traitée au même titre que la main d’œuvre de l’industrie agroalimentaire. Ceci signifie au minimum une prise en compte de l’indexation des salaires et avec, un peu plus d’ambition, une revalorisation des barèmes du secteur agricole bien inférieur à ceux de l’industrie agroalimentaire.

iv. Une initiative ne favorisant pas les systèmes d’élevage laitiers plus durables

Le projet propose un prix de base fixe et identique quels que soient la qualité du lait livré.

Surtout, la démarche ne concernerait que le « lait de pâturage ». La FUGEA s’interroge sur les critères du cahier des charges associés à cette dénomination mais surtout sur leur contrôle. Pas question d’utiliser cette image pour valoriser le lait issu de fermes n’étant pas basées sur des systèmes herbagers (notamment vis-à-vis autres fermes réellement engagées dans ces pratiques).

En outre, pour la FUGEA, les démarches de différenciation dans les fermes doivent se traduire par un retour de la valeur ajoutée pour les éleveurs et donc par un prix plus élevé. Dans les négociations actuelles en France, en plus du prix de base garantit, des primes encouragent les éleveurs à s’engager dans différentes pratiques (pâturage, alimentation sans OGM, etc.). Pour la FUGEA, de tels mécanismes permettent de valoriser les pratiques durables des éleveurs laitiers.

Philippe Duvivier (président) 0491/56.33.86

Contacts presse : Patrick Dejonckheere (secrétaire adjoint) – Timothée Petel (chargé de mission) 0499/90.75.92

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